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Lettre à Mme la Ministre : SSSM des SDIS et infirmiers hospitaliers recrutés comme sapeurs pompiers volontaires

Publié le 13/05/2008
Tags : Infos du CA Lettre Organisation
ASSOCIATION DES MÉDECINS URGENTISTES DE FRANCE
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE MÉDECINE D’URGENCE
SAMU DE FRANCE

Le 13 mai 2008

Objet: SSSM des SDIS et infirmiers hospitaliers recrutés comme sapeurs pompiers volontaires

Madame la Ministre,

Vous nous avez demandé de travailler, au sein de la commission quadripartite, à l'élaboration de règles de bonnes pratiques professionnelles avec les sapeurs pompiers. Nous le faisons d’une façon très constructive, avec la détermination d'aboutir à plus de simplicité et plus de sécurité ; le résultat devrait en être une meilleure efficacité conjointe au service du patient.

Toutefois, nous achoppons sur la question très sensible des infirmiers hospitaliers recrutés comme sapeurs pompiers volontaires et, plus généralement, sur le rôle et la place du Service de Santé et de Secours Médical (SSSM) des SDIS.

Les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) recrutent, en effet, depuis quelques temps, des infirmiers volontaires dont il apparaît qu'ils sont en majorité issus de nos services ; ces infirmiers étant dédiés au secours à personne.

L'absence totale de concertation préalable à cette initiative des SDIS conduit à des pratiques hasardeuses qui relèvent de l'exercice illégal de la médecine et constituent une indéniable perte de chance pour les patients. Les travaux de la commission quadripartite devraient permettre de circonscrire une partie de ces risques ; mais pas tous. En effet, les possibilités du dialogue entre les acteurs de terrain que nous sommes connaissent des limites et nous butons sur des questions de fond dont il nous est dit qu’elles ne relèvent pas de ladite commission et que nous pensons devoir vous exposer.

Nous tenons, tout d'abord, à vous dire que nous sommes très réservés sur l'opportunité même de développer cette dimension infirmière du secours à personne. La littérature médicale internationale n’apporte aucun élément permettant de recommander la mise en place d’un échelon intermédiaire entre les équipes secouristes possédant un défibrillateur semi-automatique et le Smur. Les travaux scientifiques publiés dans la presse internationale mettent, en revanche, en évidence une perte de chance pour le patient lorsque des actes de médecine d'urgence sont mis en œuvre par des acteurs non médecins. La réglementation sur les infirmiers nous semble plus restrictive qu'elle n'apparaît à la DHOS et à la DDSC quant à l'emploi d'infirmiers seuls en situation d'urgence, même lorsque leur action est encadrée par des protocoles. La délégation de compétences, qui peut s'envisager pour le suivi de patients déjà diagnostiqués par un médecin, semble, à nos yeux, devoir ne trouver que très peu de place en situation d'urgence, où le diagnostic médical -souvent particulièrement difficile à établir ­conditionne toute la pertinence et donc l'efficacité et la non-dangerosité de la conduite à tenir pour la prise en charge du patient (constat qui a, d'ailleurs, tout naturellement conduit à la seniorisation des structures d’urgences).

Cette réserve sur l'opportunité de disposer d'infirmiers au sein des équipes du SDIS renforce notre préoccupation sur les trois points suivants.
  1. Les hôpitaux ayant, on le sait, beaucoup de mal à recruter des infirmiers, la concurrence exercée par les SDIS est tout à fait inopportune ; cette concurrence porte notamment sur les heures supplémentaires que nous souhaiterions pouvoir faire faire à nos infirmiers pour satisfaire prioritairement les exigences du service public hospitalier.
     
  2. Les financements publics étant comptés, il est fort malvenu de satisfaire un besoin contestable en infirmiers au sein des SDIS, alors que les structures hospitalières d'urgence ne parviennent pas à obtenir les créations des postes qui leur seraient nécessaires (et qui sont même obligatoires, comme au sein des équipes Smur). Il est, en outre, très choquant de voir que les SDIS financent ces infirmiers par les ponctions financières qu'ils opèrent sur les hôpitaux en relation avec les carences des ambulanciers privés.
     
  3. Les règles régissant l'emploi des pompiers volontaires étant non contraignantes, il s'avère impossible de s'assurer de la réalité d'un repos de sécurité entre deux périodes d'activité au SDIS et à l'hôpital. Le statut des sapeurs pompiers volontaires n’est, en effet, pas adapté aux conditions de l’exercice des professions de santé où le cumul d’heures consécutives est strictement limité, car dangereux. Sachant l'attirance de certains agents envers les rémunérations complémentaires, ce point met très directement en péril la sécurité du fonctionnement de nos structures hospitalières, avec le risque, que nous ne pouvons accepter pour nos patients, de voir un infirmier assurer une permanence hospitalière après une nuit de garde au SDIS.
Pour ces raisons, nous demandons -parallèlement aux travaux de la commission quadripartite qui sont dans une impasse sur ce point -qu'une véritable concertation soit organisée, sous votre égide, sur la place et le rôle du Service de Santé et de Secours Médical (SSSM) des SDIS.

Nous souhaitons, quant à nous, un rapprochement entre nos structures hospitalières d'urgence et le SSSM, seule façon de régler en profondeur l'étonnante dualité de l'organisation de nos soins d'urgence.

Ce rapprochement pourrait notamment prendre les formes complémentaires suivantes :
  • intégration des membres du SSSM, médecins et infirmiers, dans nos organisations professionnelles et scientifiques,
  • application, par tous les professionnels de santé impliqués dans le secours à personne et l’aide médicale urgente, des protocoles édictés par la Société Française de Médecine d’Urgence,
  • formations communes, notamment dans le cadre des centres d'enseignement des soins d'urgence,
  • gestion des moyens du SSSM dans le cadre des SROS, en articulation avec les SDACR.
Nous savons qu’un tel rapprochement ne correspond pas nécessairement au souhait des professionnels des deux côtés et qu’il ne serait donc pas simple à réaliser, mais, dans l’intérêt des patients, nous pensons qu’il est logique et opportun de supprimer le cloisonnement actuel au sein des professionnels de santé des services publics ayant la charge du secours à personne et de l’aide médicale urgente.

Nous nous tenons à votre disposition pour vous exposer directement nos préoccupations et notre volonté de sortir par le haut des difficultés que nous traversons.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, nos salutations respectueuses.

Marc GIROUD, Président de Samu de France
Patrick PELLOUX, Président de l’Association des Médecins Urgentistes de France
Patrick GOLDSTEIN, Président de la Société Française de Médecine d’Urgence
Pierre CARLI

Elément joint

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