Infos du CA de SUdF

Que dire aujourd’hui ?

Publié le 02/06/2008
Tags : Infos du CA Vie de la Société Aide Médicale Urgente
[Article paru dans l'Amuflée de juin 2008]

Début 2007, j’écrivais: « Les temps qui viennent s’annoncent difficiles... tout sera susceptible d’être remis en question et devra, donc, être à nouveau solidement argumenté et, éventuellement, repensé… Il ne s’agit pas d’en être effrayés. Tout au contraire. Il s’agit, d’abord, d’être convaincus de porter des valeurs solides qui sont de plus en plus appréciées de la population. »

Que dire aujourd’hui ?

Trois choses. Premièrement, que nous affrontons effectivement des difficultés comme jamais. Deuxièmement, que, pour y faire face, nous sommes unis comme jamais nous ne l’avons été. Cette union, nous vous la devons et, chaque jour, nous la consolidons. Certes, c’est au prix de l’effort de chacun ; mais ce que je veux souligner, ce n’est pas tant cet effort et ce qu’il peut coûter, que la très profonde satisfaction de voir que notre union fonctionne bien et qu’elle nous permet, au moins, de « tenir ».

La troisième chose que j’ai à dire, en regard des remises en questions et des mutations qui se préparent, est que nos pratiques doivent se recentrer sur leur objectif essentiel : le patient.

Urgentiste, deviens ce que tu es    !
Autrement dit : sois médecin et ne sois pas autre chose.

Etre médecin,     c’est chercher – d’une façon obsessionnelle et au-delà de toute autre considération  –  à répondre d’une façon adaptée aux besoins et aux attentes du patient.
Reconnaissons humblement que nous nous laissons souvent égarer par des raisonnements un peu trop « gestionnaires » ; comme si notre première mission était de remettre les uns et les autres dans le droit chemin ; comme si l’urgentiste, en parfait apôtre de la rationalisation des dépenses de santé, était avant tout le gardien des ressources (le « gatekeeper », autrement dit le concierge),
Nous voulons – et nous avons raison - promouvoir le « juste soin » ; mais n’allons-nous pas, parfois, un peu trop loin dans le rejet de demandes estimées abusives ?
Une question d’actualité illustre bien ceci : nous sommes très prompts à critiquer les pompiers qui développent (il est vrai spontanément et d’une façon un peu désordonnée) le secours infirmier, mais, au même moment, nous hésitons tellement à engager nos Smur que nous contribuons, nous-mêmes, à créer le vide médical qui fait le lit de la paramédicalisation. En d’autres termes, notre souci – au départ légitime - de n’utiliser le Smur qu’à bon escient dépasse trop souvent son but et pourrait bien, à l’extrême, conduire à la disparition d’une partie de ces Smur, à force de ne les déclencher que trop chichement ou trop tardivement.

Etre médecin, c’est se placer délibérément au service au malade ; c’est accepter d’avoir été dérangé « pour rien »… simplement parce qu’il y avait un doute et qu’il ne fallait surtout pas « passer à côté » d’un risque (et il est, à cet égard, évident que c’est à un médecin de « lever un doute » médical, pas à un infirmier et encore moins à un secouriste).   

Etre médecin, enfin, c’est tout faire pour offrir à tous les patients, sans discrimination, le même droit d’accéder aux soins ; c’est donc accepter d’intervenir encore plus promptement auprès de ceux qui sont les plus isolés par leur éloignement social ou géographique ; c’est donc, par exemple, d’engager un Smur avec d’autant moins d’hésitation que le patient est plus loin (et pas l’inverse, naturellement !).

Dans le contexte actuel, sous la pression de considérations plus ou moins fondées, s’entremêlent de très réelles préoccupations de démographie et d’équilibre des comptes, avec d’inacceptables idéologies de rationnement. Il est plus important que jamais que le médecin affirme son indépendance professionnelle et s’oppose à toute invention de solutions dégradées. L‘urgentiste est parfois le dernier lien entre le patient et la collectivité et, de ce fait, le dernier rempart contre les inégalités face à la détresse. Il ne doit en aucun cas oublier la confiance que le patient lui voue.

Marc GIROUD
Président de Samu de France
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